Les zombies sont orphelins. George A. Romero, qui a révolutionné le film de morts-vivants dans la deuxième partie du 20ème siècle avec sa fameuse trilogie La Nuit des morts-vivants (1968), Zombie (1978) et Le Jour des morts-vivants (1985), est mort dimanche à Toronto, au Canada, à l’âge de 77 ans, des suites d’un cancer du poumon. Selon le Los Angeles Times, sa famille a expliqué que le réalisateur américain, né à New York, s’était éteint en écoutant la bande originale de L’homme tranquille (1952), l’un de ses films préférés, réalisé par John Ford.

Une Nuit des morts-vivants légendaire. George A. (pour Andrew) Romero restera à jamais dans l’histoire du cinéma comme celui qui a donné une nouvelle vie au film de zombies. De folklorique ou ésotérique, il en a fait un divertissement sauvage et politique. “Montrer quelqu’un se faire démembrer ne veut pas dire que je veux faire passer un message à tout prix”, avait souligné un jour le cinéaste, venu à l’horreur par simple opportunisme au départ, ce style étant le plus à même de remplir les drive-in quand il s’est lancé dans le cinéma, à Pittsburgh.

Et pourtant. Son premier long-métrage, La Nuit des morts-vivants (1968), avec son héros de couleur noire, sa famille américaine passée à la moulinette (au sens propre) et son sous-texte acerbe dissimule difficilement sa charge politique. Le film, monté avec à peine plus de 100.000 dollars (une misère) en pleine guerre du Vietnam, gagne en notoriété au fil des ans (voire des décennies) et il reste aujourd’hui une date dans l’histoire du cinéma d’horreur moderne, à l’instar de L’Exorciste (William Friedkin, 1973) ou de Massacre à la tronçonneuse (Tobe Hooper, 1976).

Entré dans le domaine public, La Nuit des morts-vivants est visible en intégralité sur Internet (attention, le film contient des scènes pouvant heurter la sensibilité des plus jeunes… et des moins jeunes !) :
Dix ans après La Nuit, Romero remet le couvert avec Zombie (Dawn of the dead en VO). Cette fois, le réalisateur, marqué à gauche, ne cache plus son jeu : il enferme ses héros dans un centre commercial entouré de zombies et les renvoie dos à dos dans leur logique pavlovienne de consommation. Effrayant, avec ses “non-morts” au teint bleuâtre qui déambulent à deux à l’heure, Zombie connaît les affres de la censure en France avant de faire les beaux jours de la mythique collection de VHS René Château Vidéo. La décennie 1980, celle des années Reagan aux États-Unis, aura aussi son chef-d’oeuvre : la mal-aimé Jour des morts-vivants. Romero égratigne cette fois les milieux scientifiques et militaires, avides de puissance et de contrôle, et se fait plaisir dans une scène finale d’une rare violence graphique, mise en images par l’un des génies du maquillage, Tom Savini.

Day of the dead (en VO) est sorti en France en décembre 1986 :
Icône de la pop culture. Après avoir adapté Stephen King en 1992, avec La Part des ténèbres, Romero a ensuite bien du mal à mener ses projets à bien. Mais, au début du siècle, avec la série de jeux vidéo Resident Evil, entamée en 1996, le comics The Walking Dead, lancé en 2003, le remake de Zombie, L’Armée des morts (Zack Snyder, 2003), Shaun of the dead (Edgar Wright, 2004) ou encore le roman World War Z (Max Brooks, 2006), qui se nourrissent tous du cinéma de Romero, le zombie devient tendance et le “pape” du genre revient forcément en honneur de sainteté (auprès des financiers de Hollywood, surtout). Il signe trois nouveaux films : Land of the dead (2005), Diary of the dead (2008) et Survival of the dead (2009). Très inégale, bien loin du pouvoir d’évocation de sa devancière, cette nouvelle trilogie comporte malgré tout quelques idées brillantes, notamment dans le mise en scène des inégalités sociales aux États-Unis ou des dérives du tout image. Le réalisateur travaillait sur un nouvel opus, Road of the dead.
Mondialement (re)connu pour ses films de zombies, Romero a également signé plusieurs autres pépites, dans des styles différents, comme le vénéneux film de vampires Martin (1977), l’épopée chevaleresque (et motorisée) Knightriders (1981) ou encore le troublant Incidents de parcours (1988). Tous sont marqués du sceau de l’anti-conformisme, de la marginalité, du refus des conventions. Tout ce qui fait la force du cinéma de George A. Romero.

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